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Le docteur Gaudreault ne mérite pas de blâme

Pour des gens débordés, certains docteurs trouvent quand même du temps à perdre.


Publié à 5 h 00

Réunis en assemblée générale extraordinaire d’urgence, 2900 de ces professionnels ont blâmé le président du Collège des médecins.

Qu’a-t-il donc fait, le pas fin ? Quel terrible outrage a-t-il commis contre les médecins du Québec ?

Le bon docteur Mauril Gaudreault n’a fait que rappeler aux 23 000 médecins qu’il existe un Code de déontologie.

Et que l’opposition au projet de loi 106 du gouvernement Legault ne justifie pas d’arrêter d’enseigner. Ce qui va mettre en péril la remise des diplômes de centaines de futurs médecins.

Il ne l’a pas dit dans ces mots. Mais c’est ma traduction : il y a des limites à jouer les opprimés et les offensés du système de santé. Si vous voulez la jouer syndicale, mesdames et messieurs, vous ne pourrez plus prétendre être des entrepreneurs ou des travailleurs autonomes. En tant que professionnels, vous êtes soumis à des obligations.

Lesquelles ? Le docteur Gaudreault a eu le malheur de rappeler aux médecins l’article 13 du Code de déontologie. L’article leur interdit de « participer à une action concertée de nature à mettre en danger la santé ou la sécurité d’une clientèle ou d’une population ».

Ce qui revient à dire : ils n’ont pas le droit de faire la grève.

Or, les moyens de pression des médecins jusqu’ici sont « seulement » une grève de l’enseignement universitaire. Les fédérations sont donc outrées qu’on laisse entendre qu’elles mettent en danger la santé ou la sécurité de la population.

Il leur faudrait peut-être lire aussi l’article 15 : « Le médecin doit, dans la mesure de ses possibilités, aider au développement de la profession par le partage de ses connaissances et de son expérience, notamment avec ses confrères, les résidents et les étudiants en médecine, ainsi que par sa participation aux activités, cours et stages de formation continue et d’évaluation. »

L’enseignement n’est donc pas une activité parmi tant d’autres. C’est un devoir.

On pourrait avoir un débat juridique palpitant sur la portée combinée de ces articles. Mais l’enjeu ici n’est pas juridique. Il est éthique.

Or, il y a un enjeu éthique sérieux à mettre en péril la session de centaines d’étudiants, et peut-être à retarder la remise de leurs diplômes. Les doyens des facultés de médecine disent qu’on est à une journée près de l’annulation de la session. Cela ne s’est jamais fait. Et à terme, le manque de personnel médical, dénoncé par ces mêmes fédérations, met en péril la santé et la sécurité de la population.

C’est inacceptable et ce n’est pas justifié.

Cette furie syndicale est d’autant plus étonnante que sur le fond des choses, le Collège des médecins appuie les deux fédérations de médecins du Québec. Il s’est rendu en Commission parlementaire à Québec pour critiquer sévèrement le projet de loi 106 de Christian Dubé.

Pas grave, les syndicats de médecins ont flippé complètement. Quoi ? Quelqu’un ose nous contredire ? Critiquer nos moyens de pression ? Un tir ami dans nos rangs ?

Il faudrait peut-être rappeler aux militants du syndicalisme médical ce qu’est un ordre professionnel. Ce n’est pas – n’est plus – un club de protection des membres. La loi impose aux ordres le devoir de protéger le public. Or, cette grève de l’enseignement affecte le public. Sa santé et sa sécurité aussi, à terme.

Le docteur Gaudreault n’a pas émis un avis juridique. Ni menacé de poursuite disciplinaire les grévistes. Il a rappelé des principes éthiques. Qui devraient guider les moyens de pression.

Bref, il a fait sa job. En toute indépendance. Parce que cela aussi est nécessaire : le détachement du Collège des médecins de ses bras syndicaux.

La possible annulation de la session n’est pas une mince affaire. Les étudiants sont eux-mêmes pris dans un conflit de loyauté face à leurs futurs consœurs et confrères. Ils veulent faire montre de solidarité, mais on leur dit : Nous, on ne peut pas faire la grève des honoraires, alors vous, sympathiques étudiants, prenez donc six mois de retard pour la cause !

Les présidents des fédérations nous disent qu’ils respectent l’indépendance et la liberté d’expression du Collège des médecins. Elle est bonne, celle-là !

Quand cette liberté d’expression défrise les syndicalistes médicaux, ils organisent une mutinerie. Ils sont là pour lui dire de se fermer la gueule. Cette rébellion corporatiste, ne soyons pas naïfs, vise évidemment à dégommer le président.

Pendant ce temps-là, on voit ces fédérations faire des publicités dramatiques nous suggérant, ô combien subtilement, que la réforme Dubé va tuer du monde. Bip… Bip… Biiiiiiiip…

C’est éthique, ça ?

On se rappellera aussi la manœuvre concertée de plusieurs cliniques de médecine familiale le printemps dernier. Vous vous souvenez de ces lettres envoyées aux patientes et aux patients, disant que leur médecin de famille pourrait lever les feutres à cause du méchant ministre ?

Encore heureux qu’il y ait, au-dessus de la mêlée, quelqu’un au Collège des médecins, un homme qui est votre allié sur le fond, pour dire simplement : Vous trouvez pas que vous charriez un peu, les amis ? Oui, oui, vous avez étudié fort, vous travaillez comme des dingues (peut-être pas tous, tous, tous ?)… Mais êtes-vous vraiment si mal traités, mal augmentés de salaire, qu’il faille mettre une autre roche dans l’engrenage mal huilé du système ?

Ce blâme syndical envers un honnête homme n’était pas mérité.

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