Grand Montréal | Une action collective s’attaque à certaines « taxes de bienvenue »

Montréal, Laval, Longueuil et Brossard : selon une demande d’autorisation d’action collective déposée le 31 octobre, ces villes calculeraient toutes de manière erronée les droits de mutation qu’elles encaissent.
Publié hier à 6 h 00
Selon la demande déposée à la Cour supérieure du Québec, il est estimé que plusieurs milliers de transactions immobilières dans les villes visées ont fait l’objet de calculs erronés.
Le différend concerne à la base d’imposition choisie par les villes pour calculer les droits de mutation, communément appelés « taxe de bienvenue ».
Lorsqu’une transaction immobilière a lieu, des droits de mutation sont imposés aux nouveaux acheteurs. Partout au Québec, la base d’imposition sur laquelle appliquer ces taxes est sélectionnée selon la plus élevée des valeurs suivantes :
- Le prix payé pour le transfert de l’immeuble ;
- Le prix stipulé à l’acte de vente ;
- La valeur marchande de l’immeuble, soit celle qui apparaît sur le rôle d’évaluation foncière.
La valeur la plus élevée est ensuite multipliée par un « facteur comparatif » qui est actuellement 1,08 à Montréal et 1 dans les autres villes défenderesses. Les droits de mutation sont appliqués sur ce prix final.
C’est lorsque le calcul se base sur la valeur au rôle d’évaluation foncière que le calcul dénoncé par l’action collective se produit. Ces rôles sont établis sur une base triennale. Or, plusieurs villes vont choisir d’étaler l’augmentation des rôles.
« Plutôt que de dire que dans le prochain rôle, la résidence a augmenté de 150 000 $ dès la première année, elles peuvent étaler l’augmentation sur les trois ans, indique l’avocat de la partie demanderesse, Me David Bourgoin. C’est permis par la loi sur la fiscalité municipale. »
En d’autres termes, si la valeur de la propriété augmente de 150 000 $ pour le rôle de 2026 à 2028, cette augmentation n’apparaîtra pas sur l’avis d’imposition dès 2026, mais augmentera graduellement de 50 000 $ chaque année jusqu’en 2028.
À l’heure actuelle, les villes qui pratiquent l’étalement utilisent cette augmentation graduelle pour calculer la base d’imposition sur laquelle prélever leurs taxes foncières.
En revanche, elles s’appuient sur le rôle d’évaluation foncière sans étalement pour calculer les droits de mutation.
La demande d’action collective soutient donc que ces acheteurs se retrouvent à payer la « taxe de bienvenue » sur une prise de valeur future.
« On ne peut pas imposer des droits de mutation sur la valeur totale si, par exemple, en 2023, on était à la première année de l’étalement », soutient Me Bourgoin.
L’exemple du demandeur
Dans la demande d’action collective, le demandeur, Pierre-Luc Pelletier, a acquis en 2024 un immeuble dans Rosemont pour la somme de 600 000 $.
La valeur de la propriété du demandeur est estimée à environ 755 000 $ par la Ville de Montréal pour le rôle de 2023 à 2025. En vertu de la résolution de la Ville de Montréal permettant l’étalement, la valeur imposable ajustée de sa propriété est de 698 000 $ pour 2024.
Comme le prix à l’acte de vente et le prix pour le transfert de l’immeuble sont inférieurs au rôle d’évaluation foncière, c’est ce dernier qui sert de base pour l’imposition des droits de mutation.
Avec les droits de mutation prélevés sur la valeur totale du rôle (755 000 $), M. Pelletier a dû payer 12 074 $. Si la Ville avait considéré la valeur avec l’étalement (698 000 $), il aurait payé 10 829 $, une différence de 1245 $.
Les prochaines étapes
L’action collective doit être jugée recevable par un juge de la Cour supérieure du Québec avant d’être étudiée sur le fond.
« Est-ce que c’est suffisamment sérieux pour passer à la deuxième étape ? En gros, c’est ce que le juge a à décider », explique maître Bourgoin.
Si la demande est autorisée, les preuves seront présentées en cour. Un règlement entre les parties est toujours possible à cette étape. Si les demandeurs obtiennent gain de cause, le juge décidera des indemnisations et de leurs modalités.
« Les gens n’ont pas à s’inscrire, ils sont automatiquement inclus dès qu’ils ont subi la même problématique », rappelle Me Bourgoin.
Bien que l’action collective ne vise que les transactions dans les villes de Montréal, Laval, Longueuil et Brossard, chaque ville peut se prévaloir d’une résolution sur l’étalement avant l’adoption de son budget. David Bourgoin admet que la situation décriée pourrait se produire à l’extérieur de la région métropolitaine.
« On a vérifié les plus grandes municipalités, et Québec et Lévis n’avaient pas cet étalement-là. »
En avril 2025, la Cour du Québec a tranché en faveur d’acheteurs qui avaient plaidé que les droits de mutation devaient être calculés selon la valeur imposable ajustée et non selon la valeur au rôle d’évaluation. La Ville de Montréal avait dû payer 5600 $ aux demandeurs.




