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« Plus de Trump ! »

Des millions d’Américains ont manifesté samedi contre les politiques du président.

Mis à jour à 0 h 00

Corina Knoll

The New York Times

Des enseignants et des avocats. D’anciens combattants et des employés du gouvernement licenciés. Des enfants et des grands-mères. Des étudiants et des retraités… Arrivés en masse dans les grandes villes et les petites bourgades dans tout le pays, ils sont apparus en costumes, ont fait retentir de la musique, brandi des pancartes, hissé des drapeaux américains et applaudi les klaxons des voitures qui passaient.

L’ambiance était irrévérencieuse, mais pacifique et familiale dans la plupart des rassemblements. L’objectif était toutefois clair. Partout, chaque foule partageait le même slogan : « Pas de rois ».

Collectivement, la manifestation de masse contre l’administration Trump qui s’est déroulée samedi dans des milliers d’endroits a condamné un président que les manifestants considèrent comme agissant comme un monarque.

  • PHOTO SHANNON STAPLETON, REUTERS

    Un manifestant vêtu d’une combinaison de prisonnier porte un masque représentant le président Donald Trump lors d’une manifestation à New York.

  • PHOTO CHANDAN KHANNA, AGENCE FRANCE-PRESSE

    Une femme tient une affiche affirmant que « Trump déteste les États-Unis » lors d’une manifestation à West Palm Beach, en Floride.

  • PHOTO LEAH MILLIS, REUTERS

    Des manifestants portent des costumes représentant le vice-président américain J.D. Vance, le président Donald Trump, la secrétaire à la Sécurité intérieure Kristi Noem et le chef de cabinet adjoint de la Maison-Blanche Stephen Miller lors d’une manifestation à Washington.

  • PHOTO BRIAN SNYDER, REUTERS

    Un homme habillé comme le président George Washington participe à un rassemblement à Boston, au Massachusetts.

  • PHOTO KYLIE COOPER, REUTERS

    Un drapeau proclamant « Pas de roi aux États-Unis depuis 1776 » flotte dans un rassemblement à Washington.

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Beaucoup avaient participé à un évènement similaire en juin, mais les mois qui ont suivi ont vu le président Trump procéder à une série vertigineuse de changements successifs.

Cette fois-ci, la foule comprenait une nouvelle vague de manifestants, ceux qui se disaient indignés par les rafles d’immigrants, le déploiement de troupes fédérales dans les villes, les licenciements dans la fonction publique, les coupes budgétaires draconiennes, la suppression progressive du droit de vote, le recul des exigences en matière de vaccination, le renversement des traités avec les tribus et le projet de loi dit « One Big Beautiful Bill ».

Beaucoup s’accordaient également à dire que l’administration devait faire preuve d’humanité élémentaire.

« Nous pouvons discuter et débattre des politiques et des moyens de résoudre les problèmes », a souligné Chris Scharman, un avocat qui a participé à un rassemblement à Salt Lake City. « Mais nous ne devrions pas débattre de la valeur des personnes. »

Rassemblements monstres

Dans les grandes agglomérations, comme Washington D. C., les foules étaient immenses. Un rassemblement à Atlanta qui a attiré des milliers de personnes à un moment donné s’étendait sur trois pâtés de maisons. Une manifestation à San Francisco s’est étendue sur cinq pâtés de maisons. Un rassemblement à Chicago s’est étendu sur 22 pâtés de maisons.

PHOTO SHANNON STAPLETON, REUTERS

Rassemblement à Times Square, samedi

Les autorités de New York ont déclaré que plus de 100 000 personnes avaient manifesté dans les cinq arrondissements de la ville. L’une des plus grandes mobilisations a eu lieu à Times Square, où les rues étaient baignées d’une atmosphère de carnaval avec des pancartes colorées et irrévérencieuses, dont une qui annonçait : « Je ne prête allégeance à aucun roi ». Les manifestants arboraient le costume gonflable de grenouille que les militants de Portland, dans l’Oregon, ont commencé à porter pour se moquer de la tentative de la Maison-Blanche de présenter les militants comme des anarchistes ou des terroristes nationaux.

« Plus de Trump ! », scandait la foule en agitant des drapeaux américains.

« Nous devons défendre nos droits, surtout si nous avons la chance d’être citoyens », a dit Bianca Diaz, dont la fille de 6 ans, Luna, était déguisée en axolotl, une sorte de salamandre. « Je voulais qu’elle soit témoin de cela », a poursuivi Mme Diaz.

Connus sous le nom de « No Kings Day » (Journée sans rois), ces évènements faisaient suite à une manifestation organisée en juin et étaient prévus dans environ 2600 sites répartis dans les 50 États. Ils ont été organisés par des groupes nationaux et locaux et des coalitions progressistes bien connues, notamment Indivisible, 50501 et MoveOn.

« Faire entendre notre voix »

Ces rassemblements ont eu lieu alors même que la cote de popularité de M. Trump dans les sondages n’a pas changé de manière significative. Les dirigeants républicains ont dénoncé les manifestations, les accusant de prolonger la fermeture du gouvernement et qualifiant l’évènement de « rassemblement anti-américain ».

L’équipe politique de M. Trump a trollé les manifestants sur les réseaux sociaux avec des images générées par intelligence artificielle (IA) du président portant une couronne. Lorsqu’on lui a demandé si le président avait un commentaire à faire sur les manifestations, Abigail Jackson, porte-parole de la Maison-Blanche, a répondu brièvement par courriel.

« Qui s’en soucie ? », a-t-elle déclaré.

Mme Diaz, 39 ans, faisait partie de ceux qui s’en souciaient. Elle a mentionné avoir entendu parler de la manifestation sur TikTok et avoir immédiatement su qu’elle y participerait. Employée comme experte en sinistres par le gouvernement fédéral, elle n’a pas été payée depuis la fermeture du gouvernement, mais a déclaré soutenir la position des politiciens démocrates qui faisaient pression pour maintenir les coûts des soins de santé à un niveau bas. Selon elle, une manifestation de masse pourrait encourager les dirigeants à poursuivre cet objectif.

« Manifester est le seul moyen de faire entendre notre voix », selon Libby Smith, 17 ans, qui a participé à un rassemblement à Pittsburgh. Elle a expliqué que son projet de s’engager dans l’armée après le lycée avait été anéanti lorsque Pete Hegseth, le secrétaire à la Défense, a licencié plusieurs femmes occupant des postes à responsabilité et déclaré qu’il souhaitait que les femmes soient exclues des rôles de combat.

Des lieux de rencontres

À environ 650 km au sud-ouest, à Richmond, dans le Kentucky, où le président Trump a facilement remporté les trois dernières élections générales, des manifestants se sont rassemblés sur le trottoir devant le palais de justice local. Quelques conducteurs au volant de voitures qui passaient ont hué et crié des slogans pro-Trump, mais d’autres semblaient klaxonner en signe de soutien.

« Voilà à quoi ressemble la démocratie ! » scandaient les manifestants, menés par une femme munie d’un mégaphone. « Pas de rois, pas de rois, pas de rois en Amérique ! »

PHOTO JENNY KANE, ASSOCIATED PRESS

À Portland, des manifestants arboraient des costumes gonflables de grenouille pour se moquer de la tentative de la Maison-Blanche de présenter les militants comme des anarchistes ou des terroristes nationaux.

À Portland, dans l’Oregon, où les dirigeants de la ville et de l’État se battaient devant les tribunaux contre le président au sujet de son projet de déployer la Garde nationale pour faire face à ce qu’il qualifiait de violence incontrôlable, les manifestants ont participé à trois marches distinctes qui ont fini par se rejoindre.

« Nous sommes ici aujourd’hui pour montrer aux gens que ce n’est pas une zone de guerre », a lancé Shawnathan Thibodeaux, 37 ans, professeur d’histoire dans un collège, qui participait à la manifestation avec sa femme et son fils de 4 ans.

L’objectif ultime de décrire cette ville de cette manière est terrifiant. Nous sommes pacifiques et rigolos, et nous sommes toujours Portland.

Shawnathan Thibodeaux

Partout dans le pays, des inconnus se sont rencontrés et ont échangé leurs longues listes de griefs : la fermeture du gouvernement, les droits de douane, les attaques de M. Trump contre l’enseignement supérieur, la pression qu’il a exercée sur le ministère de la Justice pour qu’il poursuive ses ennemis politiques, l’érosion des droits des femmes et la suppression des programmes EDI (Équité, diversité, inclusion).

Ambiance festive

Bien que certains rassemblements aient vu la présence de petits groupes de contre-manifestants et de la police, l’ambiance était généralement optimiste et festive. Lors d’une manifestation à Washington, les enfants et les familles étaient très présents.

PHOTO KAMIL KRZACZYNSKI, AGENCE FRANCE-PRESSE

Le gouverneur de l’Illinois, J.B. Pritzker, dans les rues de Chicago, samedi

À San Francisco, une foule entourée de vendeurs du marché fermier scandait « Restez calmes, continuez à marcher ! ». Au Grant Park de Chicago, des milliers de participants ont applaudi à tout rompre lorsque les orateurs sont montés sur scène, notamment le gouverneur de l’Illinois, J.B. Pritzker, qui a exhorté les manifestants à rejeter l’idée d’un gouvernement doté de pouvoirs illimités.

Marilyn Ricken, 80 ans, se trouvait dans la foule, accompagnée de trois amis, dont deux se déplaçaient à l’aide d’un déambulateur.

Mme Ricken, une agente d’assurance à la retraite, avait déjà participé au rassemblement No Kings en juin, mais elle a souligné que l’évènement de samedi était empreint d’un sentiment d’urgence plus profond. « C’est ainsi que le changement se produit », a-t-elle affirmé tandis que des manifestants à proximité signaient leur nom au bas d’une grande réplique de la Constitution américaine.

Solidarité mondiale

En signe de solidarité, des manifestants du monde entier ont organisé des manifestations devant les ambassades et consulats américains ou sur les places publiques, notamment à Prague, Vienne et Malmö, en Suède.

PHOTO JAIMI JOY, REUTERS

Manifestants réunis près de l’ambassade américaine à Londres, samedi

À Paris, les manifestants ont brandi des pancartes dénonçant M. Trump. En Allemagne, des rassemblements étaient prévus dans quatre villes différentes, dont un devant la porte de Brandebourg à Berlin. Dans les pays où la monarchie est établie de longue date, comme la Grande-Bretagne et l’Espagne, les manifestants se sont rassemblés sous le slogan « No Tyrants » (Non aux tyrans). À San Miguel de Allende, au Mexique, beaucoup brandissaient des pancartes colorées dénonçant l’ICE, la police de l’immigration américaine.

La force avec laquelle M. Trump aborde son second mandat a peut-être galvanisé les manifestants, a déclaré Jeremy Pressman, professeur de sciences politiques et codirecteur du Crowd Counting Consortium, un projet commun de la Harvard Kennedy School et de l’Université du Connecticut.

L’intensité de l’action va alimenter l’intensité de la contre-action ou de la contre-manifestation.

Jeremy Pressman, professeur de sciences politiques et codirecteur du Crowd Counting Consortium

De nombreux manifestants ont déclaré avoir été encouragés par la rencontre avec leurs pairs.

  • PHOTO MARKUS SCHREIBER, ASSOCIATED PRESS

    Manifestation à Berlin, en Allemagne

  • PHOTO JAIMI JOY, REUTERS

    Manifestation à Londres, en Angleterre

  • PHOTO BERNAT ARMANGUE, ASSOCIATED PRESS

    Manifestation à Madrid, en Espagne

  • PHOTO JOHAN NILSSON, TT NEWS AGENCY FOURNIE PAR AGENCE FRANCE-PRESSE

    Manifestation à Malmö, en Suède

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« On a l’impression que notre voix n’est pas très forte », a déclaré Michael Flanagan, 46 ans, administrateur médical qui a participé à un rassemblement à Memphis, où la Garde nationale a récemment été déployée. « Mais je n’ai jamais vu un tel enthousiasme. »

À Manhattan, deux sœurs, Joyce Pavento, 75 ans, de Marlborough, dans le Massachusetts, et Diane Hanson, 78 ans, de Narragansett, dans le Rhode Island, étaient également encouragées, dans une certaine mesure. Elles s’étaient senties obligées de se rendre à New York pour participer à la manifestation.

Mme Pavento a dit qu’elle appréciait la camaraderie des personnes partageant les mêmes idées, mais se demandait si leur participation ferait finalement une différence.

Pourtant, malgré leur pessimisme et leurs craintes, les deux sœurs ont convenu qu’elles ne pouvaient pas tolérer de rester chez elles.

« Quel autre choix avons-nous ? », a demandé Mme Pavento.

« C’est tout ce que nous avons », a déclaré Mme Hanson.

Estimer la taille d’un rassemblement est une science inexacte. C’est pourquoi nos journalistes s’en tiennent à des estimations approximatives et s’attachent à rendre l’ambiance de l’évènement.

Cet article a été publié dans le New York Times.


Lisez la version originale (en anglais ; abonnement requis)

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