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Le policier blessé en moto escortait le Canadien

Le constable de 43 ans, qui souffre de multiples fractures, faisait partie d’un groupe de patrouilleurs à moto escortant deux autobus qui transportaient des joueurs du Canadien vers l’amphithéâtre pour un match de présaison contre les Sénateurs, selon des sources policières.

Jusqu’ici, le Service de police de la Ville de Québec (SPVQ) avait publié un bref communiqué indiquant que le policier de l’Unité moto allait se «positionner pour effectuer de la circulation» lorsqu’il a été heurté par le véhicule.

Une porte-parole du SPVQ, Laurence Godbout, a confirmé mercredi qu’une escorte policière a été sollicitée par le Canadien.

Le CH confirme de son côté avoir eu «recours au service offert par le SPVQ» pour ses déplacements à Québec avant la partie de mardi au Centre Vidéotron. «Nous sommes au fait d’un accident impliquant un membre du service de police et nous en sommes attristés», indique Charles Saindon-Courtois, porte-parole du Canadien.

Une escorte risquée

Après les graves blessures subies par leur collègue, des policiers estiment que le SPVQ a mis à risque ses patrouilleurs à moto en recourant inutilement à une escorte pour l’équipe sportive. «Selon moi, la nécessité n’était pas vraiment là», soutient l’un d’eux sous couvert d’anonymat.

«C’était clairement pour le show», déplore un autre.

Selon nos sources, une escorte policière de type «protocolaire» avait été initialement prévue pour accompagner les deux autobus du Canadien, du pont Pierre-Laporte jusqu’au Château Frontenac pour une séance photo, puis jusqu’au Centre Vidéotron pour le match de présaison contre les Sénateurs. Dans ce type de convoi à plus faible risque, les policiers suivent la circulation en s’arrêtant aux feux rouges.

Mais, «en raison d’un changement de programme de dernière minute», selon une source, le SPVQ aurait opté pour une escorte plus risquée qui accélère le trajet en ignorant les feux de circulation, tout en s’assurant que des policiers bloquent les intersections.

Après la pause photo au Château, les deux autobus ont rejoint le Centre Vidéotron, où un premier bus s’est stationné et les joueurs participant au match sont descendus.

Les joueurs qui ne sautaient pas sur la patinoire auraient ensuite poursuivi leur chemin dans le deuxième autobus jusqu’à l’hôtel Entourage sur-le-Lac, à Lac-Beauport, avant de revenir au Centre Vidéotron pour assister au match.

Selon des sources policières, c’est lors de ce trajet de retour, toujours sous escorte, qu’une collision a impliqué un policier en moto, à proximité du Centre Vidéotron, vers 18 h 10.

Un témoin raconte

André Giroux a été témoin de l’accident, mardi soir, alors qu’il se déplaçait vers le Centre Vidéotron à pied, en compagnie de son fils. Selon lui, l’automobiliste impliqué dans la collision n’aurait pas répondu aux signaux d’un des agents qui bloquaient l’intersection pour permettre à l’escorte de circuler en évitant les feux de circulation.

D’après lui, l’automobiliste traversait au feu vert pour quitter le stationnement d’Expocité lorsqu’il a frappé le policier au coin du boulevard Hamel en roulant vers le sud sur la rue de l’Exposition.

«Le policier qui effectuait la circulation a alors crié pour que l’automobiliste attende son signal […], mais le véhicule a traversé l’intersection et coupé le chemin du policier à moto qui n’a jamais ralenti, croyant sans doute que la circulation était bloquée».

L’agent a été percuté de plein fouet et a été projeté environ deux mètres plus loin au pied du feu de circulation, selon le témoin. L’avant de sa moto a été broyé sous la force de l’impact. «La voiture, suivant le choc, est allée tranquillement s’appuyer sur un autobus de la ville qui attendait à l’intersection», précise M. Giroux.

Après la collision, le policier a été transporté d’urgence à l’Hôpital de l’Enfant-Jésus, où il était confus, mais conscient, souffrant de fractures à la colonne vertébrale, au cou, au bassin, à un genou et à un poignet, selon nos sources.

Il devrait subir plusieurs opérations au cours des prochains jours. Mais sa vie est hors de danger.

Le constable, qui cumule une vingtaine d’années d’expérience, devra être en convalescence pendant plusieurs mois, selon une source. La gravité de ses blessures pourrait marquer la fin de sa carrière comme policier. «C’est le pire accident impliquant un policier du SPVQ depuis une vingtaine d’années», souligne l’agent.

Nécessaire?

Au lendemain de l’accident, la colère monte chez des policiers. Certains remettent en cause la pertinence de cette escorte policière pour le Canadien. «Une chose est sûre, il y a de la grogne», dit l’un d’eux.

Selon lui, le SPVQ a voulu accommoder le Canadien pour que le trajet s’effectue dans les temps requis, mais au détriment de la sécurité des policiers. Il déplore que le SPVQ ait accepté d’escorter une équipe sportive sans un délai de préparation suffisant pour une escorte aussi périlleuse, alors que 18 000 personnes se rendaient au match du Canadien.

«Quelqu’un a accepté ça, et ça a mis les policiers à risque», dit-il.

Une autre source policière indique que ces escortes étaient fréquentes au début des années 2000. Mais depuis quelques années, elles seraient plutôt réservées à des événements d’envergure, comme la venue du pape ou des célébrités qui risquent d’attirer les foules pendant leur transport.

Le SPVQ discret

Contactée par Le Soleil, la direction du Service de police de la Ville de Québec (SPVQ) dit ne pas pouvoir s’avancer sur les détails de l’opération, puisqu’ils «relèvent d’informations tactiques et opérationnelles qui ne peuvent être divulguées publiquement.»

Toutefois, elle soutient que le SPVQ effectue «régulièrement» des escortes policières. «Ces opérations sont réalisées pour divers motifs, notamment lors de la venue de dignitaires, d’artistes, d’équipes sportives ou d’événements spéciaux, et ce, moyennant rétribution lorsque demandé par un organisme externe», indique Laurence Godbout, porte-parole du SPVQ.

Les policiers qui participent à des escortes ne sont pas tenus de respecter les feux de circulation. «Le conducteur d’un véhicule d’urgence, lorsqu’il utilise les feux clignotants ou la sirène de ce véhicule, peut déroger aux règles de circulation prévues par le Code, dans la mesure nécessaire pour accomplir sa mission, à condition de ne pas mettre en danger la sécurité des usagers», explique Mme Godbout.

Questionné sur son recours aux escortes policières, le Canadien a indiqué, par le biais de son porte-parole, que l’«organisation fait appel à ce type de service à l’occasion, notamment lors de déplacements à l’extérieur de Montréal.»

Dans un communiqué diffusé mercredi aux policiers, le directeur du SPVQ, Denis Turcotte, a indiqué qu’une enquête interne est en cours au SPVQ pour faire la lumière entourant les circonstances de l’accident. La Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) effectuera également une analyse, conjointement avec le syndicat des policiers.

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