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Meurtre d’une enfant de 10 ans en 1994 | La résilience d’une mère face à un crime d’une « rare horreur »

L’horreur d’un meurtre. La résilience d’une mère. L’humanité d’une juge. Trente et un ans après la mort de Marie-Chantale Desjardins, justice a enfin été rendue vendredi, lors d’une audience exceptionnellement émotive. L’assassin, Réal Courtemanche, a admis avoir tué la fillette de 10 ans en l’étranglant.


Publié à 11 h 55

« Et vous, Réal, vous avez cru ôter une vie. Mais en vérité, vous avez seulement ajouté du poids à votre propre existence. Vous porterez ce silence, ce vide, ce regard que vous avez éteint jusqu’à votre dernier souffle », a lancé Sylvie Desjardins, en fixant le bourreau de sa fille, le visage rougeâtre et le visage abattu, dans le box des accusés.

Cette scène d’une rare puissance s’est déroulée vendredi au palais de justice de Saint-Jérôme. Réal Courtemanche, un délinquant dangereux de 62 ans, a admis avoir commis le meurtre non prémédité de Marie-Chantale Desjardins, en juillet 1994. La mort de la fillette de 10 ans est demeurée non résolue pendant trois décennies.

Les parties ont suggéré à la juge d’imposer la peine maximale : la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans.

Avec résilience et force, la mère de Marie-Chantale a bouleversé journalistes, avocats et proches de la famille dans la salle d’audience en lisant une lettre inspirante.

« Je me tiens devant vous avec une douleur immense, mais avec la force de l’amour et de la mémoire. Je suis ici pour parler au nom de celle qui ne peut plus le faire. Je me tiens devant vous avec un cœur brisé, mais debout. Rien ne pourra jamais réparer la perte de mon enfant. Sa voix. Son rire. Sa joie. Tout cela a été arraché à notre famille par votre geste », a affirmé Sylvie Desjardins.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Sylvie Desjardins, la mère de la victime, en 2023 au palais de justice de Saint-Jérôme

À 10 ans, Marie-Chantale était une enfant « pleine de vie » et qui méritait de « grandir et d’aimer ». Malgré son départ, elle représente toujours la « lumière, la bonté et l’espoir », a insisté sa mère.

La juge Hélène Di Salvo, visiblement ébranlée par la lettre de la mère, a tenu des propos aussi inusités que puissants.

« Votre texte est aussi beau que la laideur des gestes posés par Monsieur. Je deviens émotive… on n’est pas des robots, mais dans ce cas-ci, si j’avais pu hurler de déclarer l’accusé coupable, si je pouvais dire ce que je pense, je le ferais. Ma toge m’empêche de dire ça », a lancé la juge, des trémolos dans la voix.

Tout le monde est touché par cette histoire. Votre courage, Mme Desjardins, est la plus grande leçon de vie qu’on peut avoir. Le Tribunal est humain. On s’attend à des horreurs, on se dit qu’on aura tout vu. […] Le dossier de Marie-Christine fait partie de ceux-là. On ne peut pas imaginer le meurtre d’un enfant de 10 ans de cette façon-là, avec un individu capable de vivre avec ça sur sa conscience pendant autant d’années… Ça ajoute à l’horreur.

La juge Hélène Di Salvo

Le 16 juillet 1994, Marie-Christine Desjardins joue à une maison des jeunes, à Sainte-Thérèse, puis se rend chez des amies. Vers 17 h 30, elle retourne chez elle à vélo. Une demi-heure plus tard, elle cherche son chemin dans un dépanneur. C’est la dernière fois qu’elle sera vue vivante.

« Elle va croiser malheureusement le chemin de l’accusé. Elle a été victime d’un meurtre dans des circonstances indescriptibles », a résumé le procureur de la Couronne, Me Alexandre Dubois, qui fait équipe avec Me Jennifer Lepage.

Quatre jours plus tard, le corps de Marie-Christine a été retrouvé dans un boisé, près de la Place Rosemère. Sa tête était enfoncée dans le sol, cachée sous une souche d’arbre. Ses cheveux bouclés de chaque côté de sa tête. Son vélo était déposé 19 mètres plus loin.

Réal Courtemanche, un véritable prédateur, a vraisemblablement attaqué l’enfant par-derrière, comme le montrent des marques dans son dos et à l’arrière de sa tête. Il l’a tuée en l’étouffant.

Est-ce que Marie-Christine lui avait demandé son chemin ? A-t-il vu que l’enfant était perdue ? On ne saura jamais les circonstances précises de ce meurtre.

« À l’âge le plus pur de l’innocence. C’est le pire cauchemar de tout parent, ce qui s’est passé cette journée-là », a affirmé Me Dubois.

Pendant trois décennies, le meurtrier pensait s’en tirer sans conséquences pour ce meurtre crapuleux. Mais les avancées technologiques ont permis de déterminer que son ADN se trouvait dans un prélèvement fait sur les lieux du crime à l’époque.

« L’avancée de l’ADN vous a rattrapé et va probablement rattraper beaucoup d’autres », a déclaré la juge en s’adressant au meurtrier.

Il avait enlevé une femme

Réal Courtemanche a passé presque toute sa vie derrière les barreaux. Depuis 2015, il porte l’étiquette de délinquant dangereux et purge une peine à durée indéterminée – la pire des peines – pour l’enlèvement d’une femme de 27 ans.

Un soir de 2011, à Princeville, Courtemanche se faufile dans la voiture de sa proie et se cache dans la banquette arrière. Il porte une tuque, des gants et des lunettes protectrices.

Quand la victime entre dans sa voiture, Courtemanche surgit et lui place un couteau près de la tête et lui ordonne d’obéir sinon il la tuera. Il s’assoit à côté de sa victime et lui demande de rouler jusque dans un quartier industriel. Il en profite pour lui toucher la cuisse. À destination, une bagarre éclate avec la victime.

Courtemanche traîne sa victime par les cheveux dans un sentier. Désespérée, elle réussit à le convaincre de retourner à la voiture, puis profite de l’arrivée d’un autre véhicule pour frapper son agresseur et prendre la fuite.

En détention, Courtemanche est si menaçant envers le personnel qu’à chacune de ses condamnations depuis 1999, il est incarcéré dans des pénitenciers à sécurité maximale, rappelle la plus récente décision de la Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC) qui refusait de le libérer en 2021.

Les experts brossent le portait d’un véritable prédateur au risque de récidive violente « très élevé ». Une évaluation phallométrique conclut même à une préférence sexuelle significative pour les scénarios de « viol avec humiliation ». Dans les rapports, Courtemanche est décrit comme un menteur pathologique et un manipulateur.

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