Fin des Métrobus 804 à Loretteville: «Je me sens trahie»

Depuis la fin du mois d’août, le parcours 804 du Réseau de transports de la Capitale (RTC) ne se rend plus dans le secteur central de Loretteville, près de la rue Racine. Huit arrêts ne sont plus desservis.
Le parcours a été modifié dans le cadre du Plan de développement 2025-2028 du RTC. Il a été prolongé jusqu’à Val-Bélair, mais ne fait plus le détour vers Loretteville.
«Il y avait un immense besoin à Val-Bélair. On est super contents pour eux. Mais on déshabille Pierre pour habiller Paul», résume Émilie Frémont-Cloutier, organisatrice communautaire au collectif TRAAQ et résidente de Loretteville.
Les usagers du quartier doivent maintenant marcher quelques minutes de plus pour attraper l’autobus 70, dont la fréquence a été bonifiée pour circuler toutes les 20 minutes aux heures de pointe.
Toutefois, cette alternative «ne fournit pas à la demande», selon Mme Frémont-Cloutier. Les autobus 70 sont plus petits et peuvent transporter moins de personnes que les Métrobus. Ils arrêtent également de rouler plus tôt dans la journée.
«Je vois régulièrement des autobus passer devant moi et ne pas arrêter parce qu’ils sont remplis. Avant, c’était plus balancé.»
«Incohérence»
La Ville de Québec a largement investi dans la rue Racine au cours des dernières années afin de la revitaliser. Plusieurs commerçants s’y sont installés. L’absence d’un Métrobus va à l’encontre de cet élan, selon divers commerçants rencontrés par Le Soleil.
«La 804, ça amenait du monde sur la rue [Racine]. Beaucoup de gens attendaient à côté de l’arrêt d’autobus et venaient faire un tour ici. Je vois une différence», confie Marc Savard, propriétaire de l’épicerie Le Minimaliste.
Le commerçant estime avoir perdu 6 % de ses ventes depuis la fin du passage des Métrobus. Il est conscient que d’autres facteurs ont pu influencer les chiffres, mais il soutient que l’impact est palpable sur le terrain.
«Avec la 804, beaucoup de clients descendaient de Sainte-Foy parce que c’est plus vite venir ici qu’aller en ville pour mon genre de commerce. C’est sûr que j’ai moins de monde à cause ça», déplore-t-il.
Isabelle Hudon, propriétaire du café Racine, fait le même constat. «Oh oui, ça paraît!» s’exclame-t-elle. «J’avais agrandi ma salle à manger pour fournir plus de tables pour les étudiants. Maintenant, j’en vois beaucoup moins.»
Avec les récents investissements de l’administration Marchand sur l’artère commerciale, certains citoyens s’expliquent mal la décision d’enlever ce lien direct entre Sainte-Foy et Loretteville, deux pôles commerciaux importants.
«La Ville s’est fait une fierté de dire: on revitalise Racine. C’est complètement incohérent d’enlever un service de Métrobus», soutient Émilie Frémont-Cloutier.
«Moi, j’ai bougé à Loretteville parce que je viens du centre-ville et je voulais retrouver cette vie de quartier là. Je me sens trahie parce qu’on enlève des services, on enlève du transport. Je trouve ça vraiment insatisfaisant», martèle la résidente du secteur.
Impacts chez les plus démunis
De leur côté, les intervenants du milieu communautaire et commercial s’inquiètent des impacts «significatifs» de ce changement sur les personnes les plus vulnérables, comme les aînés ou les personnes à mobilité réduite.
«À Loretteville, il y a plusieurs zones où il y a une forte défavorisation sociale et matérielle. On se préoccupe beaucoup de l’accès aux ressources communautaires qui est réduit», mentionne Mme Frémont-Cloutier.
Johanie Paquette est intervenante au Carrefour Jeunesse-Emploi-Chauveau, qui a pignon sur la rue Racine. Elle dit ressentir l’impact de l’abolition de l’autobus 804 chez les jeunes en difficulté qu’elle aide au quotidien.
«Toute ma clientèle prend l’autobus. Au moins 50 % m’ont dit être affectés. Certains arrivent en retard ou annulent des rendez-vous. D’autres ont de la difficulté à se rendre au travail», rapporte-t-elle.
Une centaine de réclamations
Le collectif La Pieuvre, qui œuvre dans le domaine communautaire à Loretteville, a lancé un sondage sur le sujet. Le Soleil a pu consulter ses résultats préliminaires, qui démontrent bien le mécontentement des citoyens.
Plus de 145 répondants affirment que l’absence de l’autobus 804 rallonge leurs divers trajets, alors que 37 se plaignent de coûts supplémentaires occasionnés par le recours à un moyen de transport alternatif.
Plus de 90 citoyens disent avoir plus de difficulté à accéder aux services du quartier depuis ce changement.
Au total, 152 personnes se disent favorables au retour du parcours 804 dans leur secteur parce qu’il s’agit d’un service essentiel pour eux.
«Le nouveau trajet permettrait six à huit minutes d’optimisation pour le RTC, mais les gens de Loretteville perdent à 30 à 40 minutes en moyenne», estime Houcine Boutrih, agent de mobilisation pour le collectif La Pieuvre.
Lui-même utilisateur du RTC, M. Boutrih peut en témoigner. «Une des raisons pour lesquelles j’ai accepté de venir travailler à Loretteville, c’est parce qu’il y avait un Métrobus. Je savais que je pouvais compter sur un bus rapide et fréquent. Maintenant, je passe des heures dans le transport en commun», critique-t-il.
Un service «bonifié»
Contacté par Le Soleil, le RTC se dit «conscient que les changements de parcours amènent des modifications dans les habitudes de déplacements».
Toutefois, l’organisation considère que le secteur demeure bien desservi grâce aux parcours réguliers 70, 72 et 84, auxquels s’ajoute le parcours 74 qui circulera à proximité, à Montchâtel. De plus, le parcours 70 a été prolongé jusqu’au bout du boulevard Pie-XI Nord pour améliorer la desserte.
«Cette bonification simplifie l’offre: un seul parcours permet désormais aux résidents du secteur de rejoindre directement Sainte-Foy ou d’autres destinations desservies par le Métrobus 804», indique Raphaëlle Savard, porte-parole du RTC.
Le parcours Couche-tard 904 a lui aussi été prolongé jusqu’à la rue de l’Innovation, tout en maintenant la desserte du secteur Caron-Racine avant de rejoindre le boulevard Saint-Claude.
«Au final, en regardant le secteur dans son ensemble, il s’agit d’une bonification de la desserte, avec des tracés plus simples et une couverture étendue en périphérie», soutient Mme Savard.




