Dossier | Magdeleine Vallières Mill | « Tout donner, sans regret » (3 articles)

Magdeleine Vallières Mill endure une petite torture depuis son retour à Sherbrooke, mercredi soir. Son nouveau vélo aux couleurs de l’arc-en-ciel de championne mondiale lui fait de l’œil, mais elle ne peut pas l’enfourcher, son entraîneur lui ayant prescrit deux semaines de repos complet après la fin de la saison.
Publié hier à 5 h 00
« C’est quand même dur ! pouffe la cycliste de 24 ans en entrevue vidéo. J’ai hâte de l’utiliser. »
Elle devra patienter jusqu’à la semaine prochaine avant de pouvoir renfiler le maillot irisé flambant neuf qu’elle a étrenné lors de deux courses en Italie, une semaine après sa victoire renversante à la course sur route des Championnats du monde de Kigali, le 7 octobre.
PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM EF EDUCATION-OATLY
Vélo aux couleurs arc-en-ciel de championne mondiale de Magdeleine Vallières Mill
« J’en reviens pas, j’ai encore de la misère à réaliser que ça s’est passé. C’est comme un rêve. »
Septième au Tour d’Émilie et dixième aux Trois Vallées Varésines, la Québécoise a reçu maintes félicitations de la part de ses consœurs du peloton. Son sacre-surprise au Rwanda, fruit d’une attaque audacieuse à un peu moins d’une trentaine de kilomètres de l’arrivée, a bousculé l’ordre établi et remanié le scénario traditionnel.
« Je reçois beaucoup d’amour en ce moment. C’est cool. »
Croisée à l’aéroport, la Mauricienne Kim Lecourt Pienaar, l’une des prétendantes piégées, lui a assuré que son titre était « vraiment mérité », quoi qu’aient pu dire certains observateurs par rapport à l’apathie apparente des favorites, qui se sont enterrées à force de se marquer.
PHOTO ANNE-CHRISTINE POUJOULAT, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE
Peloton au début de la course de Kigali, le 27 septembre
Parfois, le bike, c’est de prendre des risques. Parfois, ça paye. Les filles n’ont pas pris de risques, j’en ai pris des bons.
Magdeleine Vallières Mill
« On ne saura jamais qui était la plus forte cette journée-là, mais ce n’est pas ça, le vélo, non plus. Ce n’est pas toujours la plus forte qui gagne. »
La Canadienne a abordé la course de 164,6 km avec la même attitude qui a guidé sa préparation pour ces Championnats du monde historiques, les premiers disputés sur le continent africain. « Tout donner, sans regret » : telle était la devise qu’elle avait adoptée avec son entraîneur Chris Rozdilsky.
« C’est une belle histoire pour les athlètes, pour les jeunes athlètes, parce que c’est une histoire de détermination, résume le coach établi au Québec depuis des années. Elle s’est améliorée simplement grâce à un travail acharné et à sa détermination. C’est comme ça qu’elle a vraiment atteint ce niveau. »
« Très rare »
L’Américain d’origine travaille avec Vallières Mill depuis qu’elle a 16 ans, un début d’association inhabituellement hâtif pour celui qui a l’habitude d’œuvrer avec des athlètes aguerris comme Clara Hughes ou Guillaume Boivin. Il a remarqué celle qui se distinguait en cyclocross lors d’un camp sur route qu’il avait organisé à Bromont en 2018. Il lui avait proposé de revenir avec son entraîneur.
« Je n’en ai pas, je me coache moi-même », lui avait répondu l’adolescente, initiée au vélo par son père lors d’un voyage de cyclotourisme de 1000 km entre Sherbrooke et Gaspé, alors qu’elle avait 9 ans.
« Ça, c’est très rare, remarque Rozdilsky. J’ai trouvé ça fantastique ; elle comprenait très bien son corps à un jeune âge. »
J’ai donc approché ça comme une collaboration entre elle et moi. Je lui demande ce qu’elle ferait et je lui fais des suggestions, ce que je ne fais habituellement qu’avec des coureurs élites qui ont des années d’expérience.
Chris Rozdilsky, entraîneur de Magdeleine Vallières Mill
Cette année-là, l’entraîneur a découvert une cycliste particulièrement résiliente à sa première année junior aux Championnats du monde d’Innsbruck. Une chute dans un carrefour giratoire à quelques hectomètres de l’arrivée l’avait reléguée au 46e et dernier rang du contre-la-montre individuel. Victime d’une fracture à un pouce, elle avait supplié l’orthopédiste de lui concevoir une attelle assez courte pour qu’elle puisse tenir son guidon lors de l’épreuve en ligne, trois jours plus tard. Elle a fini dans le groupe principal de cette course où sa coéquipière Simone Boilard a remporté le bronze.
En 2019, pour sa dernière année junior, Vallières Mill a accepté de relever un pari audacieux de Rozdilsky : disputer les Mondiaux dans trois disciplines (cyclocross, route et vélo de montagne). En février, elle s’est d’abord classée 28e de la catégorie moins de 23 ans (9e junior) aux Championnats de cyclocross au Danemark. En vélo de montagne, à la fin d’août, elle a eu la chance de pédaler devant les siens sur le parcours très technique du Mont-Sainte-Anne (24e).
Un mois plus tard, avec deux titres nationaux en poche, elle est retournée aux Mondiaux sur route à Harrogate. Un mécène québécois avait financé le voyage des coureuses en Grande-Bretagne, promettant 5000 $ à celle qui terminerait parmi les 10 premières à l’épreuve en ligne. Elle a fini… 10e.
L’athlète des Cantons-de-l’Est croyait pouvoir obtenir un premier contrat avec une équipe professionnelle. Mais il était déjà tard dans la saison et les places se faisaient rares. Elle a donc accepté une invitation du Centre mondial du cyclisme de l’UCI.
En pleine pandémie, Vallières Mill a passé deux ans dans ce pôle de formation situé au siège de la fédération internationale en Suisse. Cette expérience a été profitable, mais a également causé un problème dont la championne mondiale a mis des années à se défaire des séquelles.




