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À vendre au plus offrant

Il n’y a sans doute pas de groupe qui ait autant contribué à l’avancement du Parti québécois et du projet souverainiste que les artistes et les créateurs du Québec. Et le PQ en doit beaucoup plus au milieu culturel qu’il ne lui en a donné au fil des ans.


Publié à
6 h 00

Jacques Parizeau avait déjà dit que la Révolution tranquille était le fait de « quatre ministres, une vingtaine de fonctionnaires. Et une cinquantaine de chansonniers et poètes ». Il aurait pu dire la même chose à propos du mouvement souverainiste.

C’est pourquoi il était renversant d’entendre le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, décréter que ceux qui avaient envoyé un message poli de félicitations à Marc Miller, pour sa nomination comme ministre de la Culture et de l’Identité canadiennes et responsable des Langues officielles, étaient coupables d’« aplaventrisme », de « vacuité intellectuelle » et surtout d’un « manque de loyauté et de décence ».

On aurait pu croire que M. St-Pierre Plamondon parlait de ses adversaires. Mais il a choisi ces mots pour parler de gens qui furent le plus souvent ses alliés…

Leur crime aurait été de féliciter Marc Miller, le nouveau responsable des dossiers culturels à Ottawa, et de se réjouir que ce mandat soit confié à un ministre qui n’était pas un néophyte, comme ce fut trop souvent le cas.

Message d’autant plus normal que ce ministre est responsable de deux lois fédérales qui régissent de façon directe une foule d’activités culturelles, soit la Loi sur la radiodiffusion et la Loi sur le droit d’auteur.

Mais la plupart des artistes, comme la majorité des Québécois, ne se reconnaissent pas nécessairement dans la vision apocalyptique du Canada de M. St-Pierre Plamondon.

« Un régime qui ne fait qu’écraser ceux qui refusent de s’assimiler », a-t-il dit et répété. Il parle d’un déclin du français qu’il juge non seulement irréversible dans le cadre fédéral canadien, mais aussi « voulu et orchestré par le Canada ».

Le problème, c’est que les faits ne lui donnent pas raison. Si le Canada est une machine à assimiler, pourquoi le gouvernement fédéral dépense-t-il, en proportion, des sommes bien plus importantes que le poids démographique des francophones dans ses investissements culturels ?

Par exemple, en 2024-2025, le Conseil des arts du Canada – le principal organisme fédéral dans le domaine culturel – a donné des subventions pour 94,6 millions de dollars à des projets francophones sur un budget total de 304 millions, soit considérablement plus que les 22 % de Canadiens de langue française, selon le dernier recensement.

On pourrait dire la même chose de CBC/Radio-Canada, où le réseau français reçoit bien plus que 22 % de la subvention gouvernementale.

Pour un « régime » qui travaillerait à écraser les francophones pour les assimiler, c’est pour le moins contradictoire.

Mais M. St-Pierre Plamondon ne s’arrête pas là. Après avoir visé les représentants des artistes, il a ajouté que Radio-Canada et les chercheurs universitaires « manquent d’indépendance » parce qu’ils reçoivent de l’argent du gouvernement fédéral.

Selon lui, le gouvernement fédéral donne des subventions « moyennant l’adhésion à certaines idéologies imposées par le fédéral », comme à l’époque de Jean Chrétien et de Sheila Copps.

« Ottawa restreint la liberté académique, la liberté d’expression et la liberté artistique de nos artisans en posant ces conditions-là », a-t-il ajouté, sans donner plus de détails.

Bref, dans le monde dans lequel vit PSPP, recevoir un dollar du gouvernement du Canada n’est pas une utilisation légitime des impôts payés par les Québécois dans un pays fédéral, ce serait plutôt un vaste complot visant à acheter des consciences.

Délicate ironie : Jean Chrétien faisait exactement le même genre d’allusions à propos des dépenses du gouvernement québécois lors des référendums sur la souveraineté.

Mais que cela vienne de M. Chrétien ou de M. St-Pierre Plamondon, c’est une insulte aux artistes, aux universitaires, aux journalistes et artisans de Radio-Canada de prétendre qu’on peut les acheter à coups de subventions.

La liberté de la presse et la liberté universitaire font partie des valeurs démocratiques.

Insinuer qu’elles seraient à vendre au plus offrant est tout simplement indigne de quelqu’un qui aspire à devenir premier ministre du Québec.

Bien qu’il se soit dit désolé dans une publication Facebook vendredi d’avoir fait une déclaration qui « a pu être perçue comme une critique de tout le milieu culturel », le mal est fait.

Un mot sur Marc Miller. Il a raison de penser que certains utilisent le déclin démographique des francophones au Canada comme élément d’une politique identitaire. Mais il ne peut nier qu’il s’agit d’une inquiétude légitime.

Cette inquiétude fait partie de l’histoire et même de l’identité du Québec et du Canada. Elle est plus forte que l’attachement des francophones à tous les symboles nationaux, y compris le hockey !

Alors, si M. Miller est aussi tanné d’en entendre parler qu’il le dit, il devrait peut-être songer à demander à son premier ministre de lui donner une autre affectation que celle de ministre responsable des Langues officielles.


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