News CA

27e Gala Québec Cinéma | Le pointu plante le populaire

L’animateur Phil Roy a été incisif et clairvoyant pendant son numéro d’ouverture du 27e Gala Québec Cinéma : une comédie grand public qui fracasse les 2 millions au box-office ? Oubliez ça. Aucune maudite chance de repartir avec un trophée Iris.


Publié hier à
5 h 20

Par contre, un film surréaliste tourné en persan, bardé de sous-titres et planté à Winnipeg, boom, bitch, faites de la place sur le manteau de cheminée, cette œuvre pointue va tout récolter.

C’était évidemment dit sur un ton humoristique et taquin, mais couché sur un fond de vérité. Avec des recettes respectives de 2,5 millions et 2 millions de dollars, Menteuse et Le cyclone de Noël n’allaient « remporter aucun prix », a raillé Phil Roy devant le gratin du septième art québécois.

Déjà, on sentait qu’Une langue universelle, de Matthew Rankin, allait tout rafler et c’est ce qui s’est produit en direct, dimanche soir, sur les ondes de Noovo et Crave. Parfois, la critique, l’industrie et le « vrai monde » vibrent au même rythme, comme en ont témoigné les années de razzia de Mommy, Monsieur Lazhar, C.R.A.Z.Y. ou Les invasions barbares.

Cette année, le Gala Québec Cinéma a plébiscité un film qui a rayonné dans plusieurs festivals internationaux et qui a même été présélectionné aux Oscars sans nécessairement cartonner ici. Depuis sa sortie le 31 janvier, Une langue universelle a récolté 294 267 $ en recettes aux guichets québécois, selon le site spécialisé Cinéac, qui compile ce type de statistiques. En estimant le coût d’un billet à 14 $, ça fait environ 21 000 cinéphiles qui ont visionné Une langue universelle dans une salle de cinéma. C’est très peu de gens.

Mais est-ce qu’un box-office faible signifie que le film est mauvais ? Bien sûr que non. La semaine dernière, le magazine Rolling Stone a classé Une langue universelle au 13e rang de son top 20 des meilleurs films de l’année. Le collègue Marc Cassivi a parlé d’un « bijou de fantaisie » pour décrire cette comédie flyée à l’intrigue impossible à résumer en une seule phrase.

En exposant lui-même le décalage entre les choix du public et ceux de Québec Cinéma, Phil Roy nous a fait comprendre à quel point ça ne doit pas être évident d’orchestrer une fête télévisuelle qui célèbre un film qu’à peu près personne n’a regardé.

Même dans la capsule mettant en vedette les enfants de la pub du lait, c’est ce point qui ressortait : le cinéma québécois n’a pas suscité d’enthousiasme délirant en 2025, et c’est un problème. Car les créateurs fabriquent des films pour qu’ils soient vus par le plus grand nombre de personnes, évidemment.

En cueillant le prix Michel-Côté, remis au film Le cyclone de Noël après un vote populaire, le producteur Louis Morissette a livré le discours le plus percutant et le plus senti de la soirée. Il s’est adressé directement au nouveau ministre de l’Identité et de la Culture canadiennes, Marc Miller, en lui demandant de légiférer sur les plateformes internationales, qui se sacrent pas mal de mettre en valeur les œuvres d’ici.

PHOTO ÉDOUARD DESROCHES, COLLABORATION SPÉCIALE

Louis Morissette s’est adressé au ministre Marc Miller pendant son discours.

« Brace yourself, on va continuer de se battre pour faire rayonner notre langue et notre culture », a lancé Louis Morissette sur la scène des studios Grandé, dans le sud-ouest de Montréal. Il a ensuite obtenu le plus gros tonnerre d’applaudissements de ce gala de 2 h 10 pressé par le temps.

Autre discours touchant : celui de la révélation de l’année, l’actrice de Mlle Bottine, Marguerite Laurence, 12 ans, qui peinait à retenir ses larmes au micro. Bien aimé aussi le plaidoyer pour l’inclusion du comédien Mani Soleymanlou.

Par contre, il faut que les lauréats arrêtent de lire leurs remerciements à partir d’un téléphone cellulaire, la tête baissée. C’est de l’anti-télévision. Regardez le public, adressez-vous aux téléspectateurs, soyez spontanés.

Vous avez une minute pour vous exprimer, c’est super court, alors maximisez l’impact de votre déclaration et parlez avec votre cœur au lieu de réciter une liste d’épicerie, merci.

PHOTO ÉDOUARD DESROCHES, COLLABORATION SPÉCIALE

la révélation de l’année, l’actrice de Mlle Bottine, Marguerite Laurence

Ce 27e Gala Québec Cinéma a été moyen et n’a pas contenu de moments forts ou mémorables. À son deuxième tour de piste, l’humoriste Phil Roy paraissait mieux préparé et plus en contrôle que l’an dernier, où 205 000 téléspectateurs avaient suivi cette cérémonie.

L’hommage à la cinéaste Léa Pool, livré par Céline Bonnier, Sébastien Ricard et Karine Vanasse, manquait d’émotion et de grand frisson en comparaison avec celui de Denis Villeneuve en 2024. Et ç’aurait été bien d’identifier à l’écran les films qui ont été inclus dans la rétrospective de la carrière de Mme Pool.

À la toute fin, Serge Denoncourt a piqué Patrick Hivon et les « 37 personnes » qui forment le milieu du cinéma québécois, un clan intimidant qui n’a pas la réputation d’être généreux ou chaleureux dans un gala. Honnêtement, on a connu des années beaucoup plus froides au parterre des Iris. Dimanche soir, la foule réagissait bien, et les spectateurs n’affichaient pas de mine d’enterrement.

Largué par Radio-Canada en 2022, le Gala Québec Cinéma survit grâce au soutien du ministère de la Culture et des Communications, qui éponge une partie de la facture. Un nouveau gouvernement pourrait-il sacrer un coup fatal dans les tibias (de Robocop) de cet évènement télévisuel peuplé d’artistes « aplaventristes » ?

Related Articles

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

Back to top button