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Son conjoint survit à une décharge de 14 000 volts

En disant cela, Véronique Desjardins dépose instinctivement une main sur son ventre arrondi. L’esquisse d’un sourire apparaît sur son visage fatigué. Ses yeux se remplissent de larmes en dépit de sa résistance, mais pas question de céder au découragement.

La jeune femme s’apprête à donner la vie alors que son conjoint vient d’échapper à la mort. Le charpentier-menuisier a survécu à une décharge électrique de 14 000 volts, un puissant choc dont il gardera d’importantes séquelles.

Louis-Philippe Samson est toujours hospitalisé. Une longue période de réadaptation est à venir. Le père de famille de 31 ans a subi l’amputation de son bras gauche, jusqu’au-dessus du coude. L’équipe médicale fait tout en son pouvoir actuellement pour sauver le droit, immobilisé en attendant la suite.

Pour l’heure, difficile de prédire si Louis-Philippe pourra être aux côtés de Véronique lorsqu’elle mettra au monde leur deuxième enfant, un garçon prénommé Mavrick. Sa naissance est prévue pour le 31 décembre. C’est bientôt.

«Trop bientôt…», précise Véronique qui, entre deux visites au chevet de son amoureux, peine à reprendre son souffle.

L’accident s’est produit le 5 novembre dernier, en début d’après-midi, à Shawinigan. Travaillant temporairement pour un entrepreneur autre que son employeur habituel, Louis-Philippe effectuait des travaux de revêtement sur un duplex de la rue Dufresne.

Une plate-forme élévatrice a été utilisée pour permettre à l’ouvrier et à un collègue de travailler en hauteur. Juste avant la montée, des câbles de télécommunication recouverts d’une gaine isolante ont été déplacés sans que ça pose problème.

C’est au moment de redescendre, alors que les deux hommes s’assuraient que la nacelle allait regagner le sol sans rien accrocher, qu’un madrier tenu par Louis-Philippe a touché des fils électriques de moyenne tension au-dessus de lui, dépourvus cette fois d’une gaine protectrice… Le courant est passé à travers ses deux bras.

En couple depuis une douzaine d’années, Véronique et Louis-Philippe ont récemment emménager dans leur nouvelle maison, à Trois-Rivières. Le nombre de chambres devait être revu à la hausse avec la petite famille qui s’agrandira d’une semaine à l’autre.

Véronique est assistante technique en pharmacie. Elle était au travail lorsqu’on l’a informée que son conjoint avait été victime d’un accident sur le chantier. On ne craignait pas pour sa vie, mais il venait d’être conduit à l’hôpital de Shawinigan avant son transfert vers un centre hospitalier de Québec. Louis-Philippe était conscient. Il s’inquiétait de savoir qui irait chercher Élodie, 22 mois, à la garderie. Ça devait être lui…

Le temps d’appeler sa mère pour qu’elle récupère la p’tite, Véronique et ses beaux-parents ont pris la direction de Québec où, dès leur arrivée à l’Hôpital de l’Enfant-Jésus, ils ont réalisé la gravité de la situation. Plongé dans un coma artificiel, Louis-Philippe allait être opéré puis admis à l’unité de soins pour les grands brûlés.

«On a un peu capoté…», laisse tomber Véronique qui a compris que les lésions internes étaient beaucoup plus profondes et sévères que ce que les blessures laissaient paraître en surface.

Rapidement, il fallait procéder à une chirurgie pour diminuer la pression dans les tissus touchés. Des incisions ont été effectuées dans les bras de Louis-Philippe, un sportif dont le cœur a résisté à la décharge électrique.

L’électrisation a provoqué des brûlures au 4e degré… Véronique ignorait qu’une atteinte aussi aigüe pouvait être diagnostiquée.

«Ça part des os et ça remonte», lui a-t-on expliqué. Les muscles et les tendons ont également été affectés. L’amputation du bras gauche n’a pu être évitée et le mystère plane toujours en ce qui concerne le bras droit.

Encaisser le choc

Le jeune homme a été dans le coma pendant près de trois semaines. À son réveil, il est demeuré silencieux pendant deux jours, comme pour absorber l’intensité du choc en lui et autour de lui.

Depuis, Louis-Philippe réalise peu à peu ce qui lui est arrivé et prend graduellement conscience de sa nouvelle réalité. Il pose des questions sur l’accident, s’informe de sa fille, demande à Véronique comment va son «bedon»…

Après ses deux jours de mutisme, le brave patient a aussi exprimé le souhait de rencontrer une psychologue, un autre pas en avant pour celui qui ne peut pas manger par lui-même, se brosser les dents, tenir un crayon ou tapoter l’écran de sa tablette. On doit l’aider ou le faire pour lui.

Louis-Philippe apprendra éventuellement à utiliser une prothèse, mais pour l’instant, la priorité consiste à panser ses brûlures et à reprendre du mieux.

Longtemps alité, le joueur de hockey de terrain (dek hockey) a perdu de sa masse musculaire. Passer du lit au fauteuil entraîne des étourdissements, mais lentement et sûrement, il sort de sa chambre pour marcher quelques pas dans le corridor.

«Au jour le jour», répète l’équipe médicale au patient qui passera le temps des Fêtes à l’hôpital où il pourra compter sur la présence de sa garde rapprochée.

Louis-Philippe devrait quitter l’hôpital en janvier et poursuivre, à Québec toujours, sa réadaptation. D’ici là, bébé Mavrick se sera pointé le bout du nez.

Face à la situation, Véronique a demandé à accoucher à Québec afin de se rapprocher de son conjoint et vivre, si possible, cet événement heureux avec lui ou, du moins, plus près de lui.

«J’aimerais ça qu’il soit là», dit-elle, la voix brisée, en se projetant dans quelques semaines. Ça ne devait tellement pas se passer comme ça.

Heureusement, on fait preuve de compréhension envers la maman qui n’a pas besoin d’un stress supplémentaire sur ses épaules.

«On peut transférer ton dossier», l’a rassurée son médecin de Trois-Rivières avant que l’Hôpital Saint-François d’Assise lui confirme qu’on est prêt à l’accueillir, le moment venu.

Il est encore trop tôt pour savoir si Louis-Philippe aura l’énergie de se déplacer pour assister à la naissance de son fils. Impossible de prédire la durée de l’accouchement, mais advenant son absence, Véronique pourra lui présenter leur deuxième enfant dans les premières heures suivant sa venue au monde.

Rentrer à la maison avec Mavrick, sans son conjoint, sera loin d’être évident, le sait trop bien Véronique qui peut néanmoins compter sur ses proches pour l’aider à s’occuper d’Élodie. Dans son raisonnement d’enfant de 22 mois, son papa est au travail où, ignore-t-elle, il a failli perdre la vie.

C’est la raison pour laquelle Louis-Philippe a accepté que Véronique raconte son histoire. Cet accident aurait pu être évité.

Sa conjointe n’a pas encore pris connaissance des conclusions de l’enquête de la CNESST, mais des informations laissent entendre que le responsable du chantier aurait dû, en prévision des travaux, faire une demande de sécurisation auprès d’Hydro-Québec afin que des mesures de protection soient mises en place, dont l’installation d’une gaine isolante sur les lignes sous tension.

«Tout le monde me dit qu’il y a eu un manquement quelque part», relate Véronique qui subit, elle aussi, les contrecoups de cette décharge électrique dans sa vie.

Un collègue de Louis-Philippe a mis sur pied une campagne de sociofinancement pour alléger les impacts financiers de cette tragédie dans le quotidien de sa famille. L’argent amassé pourrait également permettre à l’amateur de hockey et de Formule 1 de vivre un voyage — son rêve — combinant un match et une course.

Véronique entend également redonner à l’Association des grands brûlés (FLAM) qui est une source de réconfort pour les personnes atteintes de brûlures et leur entourage.

De son lit d’hôpital, le charpentier-menuisier continue de prendre connaissance des nombreux messages d’encouragement qui lui sont envoyés. Louis-Philippe peut compter sur Véronique pour les faire glisser sur l’écran tactile en attendant de retrouver le plus d’autonomie possible.

Noël et une naissance étant sur le point d’être célébrés, la jeune femme s’accroche à l’espoir de plus doux lendemains.

«Je sais que nous reviendrons une petite famille normale. Différente, mais normale…», affirme-t-elle en ayant une pensée émue pour son chum, le papa le plus fort du monde.

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