Éric Lapointe | L’alcoolique le moins anonyme du Québec

« La dernière fois que j’ai été sobre pendant une aussi longue période, j’avais 12 ans », fait remarquer Éric Lapointe, qui était encore préadolescent quand il s’est découvert un penchant pour la bouteille. Après d’innombrables séjours en désintox, le rockeur est fier aujourd’hui de dire qu’il n’a pas bu une goutte depuis bientôt deux ans. Mais la route pour en arriver là a été sinueuse, comme le rappelle la nouvelle série documentaire Éric Lapointe, qu’il décrit comme un « partage d’alcoolique anonyme, mais sans l’anonymat ».
Publié à 6 h 00
« Ce qui est drôle, c’est que quand on va en thérapie, on nous demande toujours de partager notre histoire devant les autres gens du groupe. Mais moi, je n’ai jamais eu à faire ça, comme je suis connu. On savait que c’était trop risqué que mon témoignage ne reste pas anonyme. Faque à la place, j’ai décidé de témoigner dans un documentaire qui va être diffusé à la télé », s’amuse Éric Lapointe, conscient de l’ironie de la chose.
Offerte depuis ce mercredi sur Crave, cette série documentaire en trois épisodes retrace les 30 ans de carrière de l’homme aux plus de 1 million de disques vendus. Elle lève entre autres le voile sur sa relation en dents de scie avec son père, Serge, qui est habité par les mêmes démons que lui.
PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE
Éric Lapointe en entrevue avec notre journaliste
Le soir où il a été sacré Révélation de l’année au Gala de l’ADISQ en 1995, Éric Lapointe a reçu un appel en sortant de scène qui le hante encore à ce jour. Son père, qui était criblé de dettes de jeu à l’époque, venait de tenter de se donner la mort. Une scène tragique, digne d’un mauvais biopic, dont il parle pour la première fois devant la caméra.
« Je ne suis pas le fils du voisin, ça, c’est clair. Mon père et moi, on se ressemble à bien des égards. Il est très intense, je le suis. Aujourd’hui, on a une très belle relation. On s’est beaucoup aidés mutuellement dans nos combats respectifs », confie Éric Lapointe, qui a tout fait pour préserver ses deux fils, aujourd’hui âgés de 13 et 14 ans, de ses excès.
Pas une opération de marketing
Éric Lapointe n’a pas toujours le beau rôle dans cette série qui porte son nom. Aucune des controverses qui ont nourri sa sulfureuse réputation avec les années n’est mise sous le tapis. Dès les premières minutes, on crève l’abcès en abordant l’évènement qui en a fait pendant un certain temps un paria au sein du milieu artistique : cette accusation de voies de fait sur une femme, pour laquelle il a plaidé coupable en 2020.
« C’est tout sauf une opération marketing pour redorer mon image. Il n’y a rien de complaisant dans ce documentaire-là », fait valoir l’interprète de Mon ange, qui devine déjà ce que ses détracteurs diront.
PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE
La série documentaire Éric Lapointe sera offerte sur Crave ce mercredi.
Si on avait voulu, on aurait pu juste parler des grands moments dans ma carrière. Mais pour raconter la lumière, on trouvait que c’était aussi important de raconter toute l’histoire, y compris les zones d’ombre.
Éric Lapointe
Les mauvaises langues relèveront sans doute que cette série est produite par Sphère Média, la boîte pour laquelle travaille son ex-femme Marie-Pier Gaudreault, qui témoigne d’ailleurs dans ce documentaire. Mais il n’y a pas de complot à y voir, assure Éric Lapointe, qui précise qu’il n’avait pas besoin de ce documentaire pour remettre sa carrière sur les rails.
Livre ouvert
Après une longue traversée du désert à la suite de ses démêlés judiciaires, ses affaires sont maintenant en train de se replacer. Il doit même se produire au Centre Vidéotron le 31 décembre prochain. Quand Sphère l’a contacté, l’interprète de Loadé comme un gun ne voyait donc pas tellement d’intérêt à la série. Mis en confiance par le réalisateur Jean-Philippe Pariseau, il a finalement accepté qu’une équipe de tournage le suive dans son quotidien pendant plusieurs mois.
La peur que j’avais, et que j’ai toujours, c’est que si on raconte tout de notre vie, si on est trop transparent, il n’y a plus de mystère. Quelque part, les artistes, on est là pour faire rêver le monde.
Éric Lapointe
« Moi, est-ce que j’ai envie de voir Steven Tyler tondre sa pelouse ? Mais bon, j’ai fini par dire oui… Il est trop tard pour reculer maintenant », laisse-t-il tomber, visiblement craintif par rapport à la réaction du public.
Pourtant, le chanteur gardait un droit de regard sur ce qui allait se retrouver dans le montage final. Mais il s’en est finalement très peu prévalu.
« Tant qu’à le faire, aussi bien le faire jusqu’au bout », résume l’intense rockeur, que l’on voit plier des vêtements ou encore faire ses mots croisés en robe de chambre dans la série. « Moi, j’ai ressenti un malaise en me regardant. Je ne suis pas toujours filmé à mon avantage. Il y a des pans de ma vie que j’aurais préféré oublier. Mais je pense que les fans, eux, vont apprécier. Ils vont découvrir l’homme derrière l’artiste, l’homme ordinaire qui a un métier extraordinaire. »
Les trois épisodes de la série Éric Lapointe sont offerts sur Crave.




