Échec des négociations à l’Agirc-Arrco : il n’y aura aucune revalorisation des retraites complémentaires

Le bras de fer a été musclé. Extrêmement tendu. Lors du conseil d’administration de l’Agirc-Arrco, ce vendredi matin, puis lors de la Commission paritaire de l’après-midi, aucune fumée blanche n’a permis de mettre les partenaires sociaux d’accord. « C’est une première, lance Pascale Coton, la vice-présidente de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), en charge des retraites. D’habitude, ces négociations sont assez rapides. On trouve un terrain d’entente assez facilement. »
Mais cette fois-ci, chaque partie est restée arc-boutée sur ses réclamations, sans concession. Et, au bout du compte, les 14 millions de retraités du privé n’auront donc aucune revalorisation de leur complémentaire à compter du 3 novembre prochain, alors même qu’elle représente en moyenne entre 30 % et 60 % du montant total de la pension.
Les comptes de l’organisme sont dans le vert
Pourtant, une hausse aurait bien dû être octroyée aux retraités du privé. Après une revalorisation de 1,6 % l’an dernier, le bond financier aurait certes dû être moins fort cette année avec une inflation évaluée en septembre à 1 % par l’Insee. Mais en suivant le mode de calcul précisé dans les accords de l’Agirc-Arrco, la revalorisation des complémentaires devait se situer mécaniquement entre 0,2 % au minimum et 1 % au maximum. Et au regard des négociations des années précédentes, la plupart des syndicats espéraient obtenir plus de 0,6 % de hausse.
Alors sans surprise, lors du premier tour de table du Conseil d’administration, à 10 heures, les syndicats ont réclamé 1 % de revalorisation. Leurs arguments ? Le gel des pensions, pour l’instant prévu dans le Projet de loi de Finances de la Sécurité sociale (PLFSS), nécessite un coup de pouce de la part de la complémentaire.
D’autant que les comptes de l’Agirc-Arrco sont dans le vert. « La règle d’or imposée au régime de l’Agirc-Arrco depuis 2009 nous oblige à avoir dans les caisses un montant permettant de faire face, au minimum, à six mois de versement des retraites complémentaires, explique Michel Beaugas, le secrétaire confédéral de FO en charge des retraites et négociateur pour l’Agirc-Arrco. Or, avec une hausse de 1 %, nous aurons encore neuf mois de versement dans les réserves. »
« Il n’est pas question de cramer la caisse… »
Mauvais argument pour le patronat qui n’a pas souhaité faire un pas au-delà des 0,2 % minimum. « Les organisations syndicales estiment que nous sommes dans une année excédentaire et ils ont raison, souligne Michel Picon, président de l’U2P, qui représente les petites entreprises (artisans, commerçants…). Mais ce calcul est conjoncturel et notre caisse risque de fondre assez rapidement avec la suspension de la réforme Borne. Il n’est pas question de cramer la caisse… »
Car avec le gel, même temporaire, de l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans et 9 mois, moins de cotisations seront versées alors même que l’Agirc-Arrco devra payer plus de pensions que prévu à court terme. Cela pourrait coûter cher : près de deux milliards d’euros, selon l’Agirc-Arrco.
Les négociations et les deux votes successifs lors du conseil d’administration n’ont pas permis de déboucher sur un accord. À la mi-journée, les partenaires sociaux ont décidé qu’une commission paritaire se réunirait dans l’après-midi. « Il faut trancher, quoi qu’il arrive, car les services de l’Agirc-Arrco doivent avoir le temps de mettre en place d’éventuelles modifications de taux, poursuit Pascale Coton. Nous ne pouvons pas remettre au lendemain nos négociations. »
Sauf que la Commission paritaire de l’après-midi – où les syndicats ont revu leur proposition à la baisse (avec un taux à 0,8 %) – a de nouveau accouché d’une souris. « Même l’U2P ne veut pas faire un geste pour les retraités, grince Pascale Coton. On sent que tout le patronat est en colère contre le gouvernement à cause de la suspension de la réforme Borne. Les négociations de l’Agirc-Arrco sont un prétexte pour dénoncer ces décisions. »
Et ce n’est pas loin de la vérité. « On ne peut pas revenir sur cette réforme et continuer de revaloriser les retraites, commente en effet Michel Picon. Ce n’est pas raisonnable ! Pour nous, rester sur notre position à 0,2 % est aussi un moyen d’envoyer un message au gouvernement : il faut bien que quelqu’un, dans l’avion, prenne ses responsabilités. Si le gouvernement n’y arrive pas, les partenaires sociaux y parviendront. »




