Immigrer au Québec… pour chômer?

On nous répète que le Québec manque cruellement de travailleurs. Que sans immigration, les entreprises fermeraient, les restaurants resteraient vides et les hôpitaux tourneraient au ralenti.
Mais pendant qu’on martèle ce discours d’urgence économique, une réalité beaucoup moins commode s’impose: le chômage remonte. Et il frappe d’abord les nouveaux arrivants.
C’est le grand paradoxe de notre époque: on parle de pénurie de main-d’œuvre… dans un marché où des milliers de gens qualifiés peinent à trouver un emploi à la hauteur de leurs compétences.
Le problème, ce n’est pas tant le manque de bras. C’est le manque d’adéquation, de vision… et, disons-le franchement, de gros bon sens.
Des chiffres qui dérangent
Le taux de chômage au Québec s’est établi à 5,7% en septembre. Rien de catastrophique, mais une tendance claire.
Chez les immigrants récents, au pays, la situation est bien plus préoccupante: leur taux de chômage est presque deux fois plus élevé. Quelque 40% d’entre eux affirment que la principale raison, c’est le manque d’emplois dans leur domaine.
Autrement dit, on attire des talents, on les fait venir ici avec des promesses d’avenir… et on les laisse cogner à des portes closes. Leurs diplômes sont trop rarement reconnus. Leur expérience étrangère est parfois balayée du revers de la main.
Vendredi dernier, Statistique Canada nous apprenait qu’un immigrant sur trois occupe un emploi sous-qualifié par rapport à ses diplômes. Des ingénieurs qui préparent des cafés. Des enseignants qui vendent des forfaits cellulaires. Des infirmiers qui changent carrément de domaine. C’est cliché… mais c’est malheureusement trop souvent la réalité.
Le Québec manque peut-être de bras, mais il déborde de cerveaux inutilisés! C’est un non-sens économique: on s’en va chercher des compétences… pour les gaspiller. Après, on s’étonne que la productivité stagne!
• Regardez aussi ce podcast vidéo tiré de l’émission de Richard Martineau, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :
Le paradoxe québécois
En 2023, le Québec a accueilli 174 000 travailleurs temporaires et 53 000 permanents. Au total, 617 000 personnes vivent actuellement sous un statut temporaire. C’est 7% de la population, contre 2% en 2018. Un triplement en cinq ans!
Beaucoup de ces travailleurs occupent des postes essentiels, mais sans garantie d’avenir. Ils veulent s’enraciner, bâtir une vie ici, contribuer pleinement. Mais le système les garde en transit permanent. Une sorte de purgatoire administratif, où l’on travaille sans savoir pour combien de temps.
Le gouvernement Legault parle désormais de rééquilibrer l’immigration temporaire. Une intention légitime, face à une pression croissante sur les services publics et le marché du travail. Mais ce rééquilibrage pose aussi son lot de défis.
Réduire les entrées temporaires, sans revoir en profondeur les mécanismes d’intégration, risque de déplacer le problème… plutôt que de le résoudre. Ce qu’on appelle «pénurie de main-d’œuvre» n’est peut-être qu’un mauvais calibrage du marché. Les travailleurs existent, mais pas là où on les cherche.
Il faut être plus pragmatique: reconnaître les diplômes, arrimer les besoins aux compétences, et transformer l’immigration temporaire… en intégration durable.
Parce que c’est devenu beaucoup trop facile de se plaindre du manque de bras, sans jamais lever la tête!



