Guy Rocher 1924-2025 | Guy Rocher l’indépendantiste

Guy Rocher nous a quittés. Quelle perte immense pour le Québec ! J’aimerais souligner une facette importante de ce grand Québécois, l’indépendantiste pour qui l’émancipation nationale de notre peuple était un aboutissement indissociable de la Révolution tranquille à laquelle il avait si fortement contribué.
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Plusieurs l’ont souligné, Guy Rocher a été toujours accessible et généreux de son temps lorsqu’il était invité à participer aux petits et aux grands évènements ou simplement lorsqu’on avait besoin de le consulter. Guy Rocher m’a fait l’honneur en 2020 d’écrire la préface de mon livre Le sens du pays qui relate le parcours du mouvement indépendantiste.
En 2021, je l’ai interviewé pour notre magazine indépendantiste OUI je le veux ! où il s’est exprimé sur la défense du français en péril, un combat constant avec celui de la laïcité où il s’est impliqué tout au long de sa vie.
Lorsque je l’ai invité en 2019, peu après la naissance du Mouvement Québec indépendant, à prononcer une conférence devant une soixantaine de militants et de militantes, il a accepté sans hésitation de venir nous parler malgré l’amère déception du résultat des élections de 2018.
La Révolution tranquille, une étape vers l’indépendance
Pour cette conférence, il a choisi comme titre : La Révolution tranquille : quelques étapes majeures vers l’indépendance du Québec. Il m’a fourni d’abord le résumé suivant :
« La Révolution tranquille se caractérise par la prise de conscience chez les Québécoises et les Québécois de langue française, après la Seconde Guerre mondiale, des obstacles à leur développement individuel et collectif, et en même temps du potentiel d’un Québec susceptible de sortir de l’état de province pour devenir un pays indépendant.
« Tout d’abord, il faut rappeler que la Révolution tranquille fut avant tout l’affaire des Canadiens français. Elle consista de leur part à reconnaître en particulier trois grandes faiblesses gravement menaçantes pour leur avenir individuel et collectif : leur sous-scolarisation, leur très faible emprise sur l’économie du Québec, le potentiel inemployé de l’État québécois.
« Les réformes alors entreprises pour répondre à ces problèmes furent telles qu’elles étaient de nature à préparer le Québec comme société et les Québécoises et Québécois comme citoyens à s’engager sur la voie de l’indépendance, et pourraient et devraient l’être encore. »
À ma demande d’actualiser cette solide entrée en matière, il me répond : « Tu m’amènes à préciser davantage mon résumé », et il me demande d’y ajouter :
« Depuis les années 1980 et surtout 1990, les gouvernements québécois successifs se sont comportés en gouvernement d’une province canadienne, avec un accord (tacite) de l’opinion publique québécoise. En même temps, le centralisme fédéral n’a cessé de chercher à réduire ou limiter la capacité d’action de l’État québécois, qui avait activement contribué à la Révolution tranquille. Mais l’héritage de cette Révolution tranquille demeure, qu’il faut reprendre et revitaliser dans le projet de l’indépendance, avec les jeunes générations. Il ne manque qu’un élément déclencheur. »
Un indépendantisme profond et assumé
Cette familiarité de ma part s’explique par une collaboration avec Guy Rocher qui a débuté au lendemain des élections de 1976, dans l’équipe de Camille Laurin où j’agissais comme adjoint parlementaire alors que nous préparions la Charte de la langue française dont il a été un artisan principal avec son ami Fernand Dumont.
Plus tard, lorsqu’avec Camille Laurin et Jacques Parizeau nous avons été plusieurs à quitter le Conseil des ministres à la suite du beau risque pris par notre parti, il a fondé avec nous en 1985 le Rassemblement démocratique pour l’indépendance (RDI) dans le but de contribuer à maintenir l’action indépendantiste.
Il ne pouvait accepter que le Parti québécois abandonne son combat et il a collaboré à fond aux orientations de la Commission politique du nouveau mouvement.
En compagnie de plusieurs autres anciens présidents des Intellectuels pour la souveraineté (IPSO), organisme dont il a été nommé président d’honneur, j’assistais en mai 2024 à la célébration de son 100e anniversaire de naissance. Il nous a raconté comment il est devenu indépendantiste en écoutant à la bibliothèque de Harvard deux Français qui critiquaient en 1967 la déclaration « Vive le Québec libre » du général de Gaulle.
Ceux-ci disaient des Québécois : « s’ils deviennent indépendants, on va les avoir sur les bras ». Encore fédéraliste à ce moment-là, Guy Rocher s’est surpris lui-même en leur servant son tout premier plaidoyer pour l’indépendance qui se terminait par : « ne vous en faites pas, nous pouvons très bien le faire nous-mêmes et nous n’aurons pas besoin de vous ».
Encore une fois, Guy Rocher a captivé la centaine de personnes présentes en nous rappelant la force de sa confiance dans notre peuple et dans sa capacité de réaliser son indépendance, un engagement profond et de longue date, conséquence de son implication dans la fondation du Québec moderne.
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