«Frais cachés»: recours collectif autorisé contre Salvatoré

La demande d’autorisation d’exercer un recours collectif a été déposée il y a plus d’un an.
Le 9 décembre dernier, la Cour supérieure a autorisé l’action collective aux fins de règlement hors cour seulement. En effet, une entente est intervenue entre les parties le 1er décembre 2025, peut-on lire dans le jugement.
Cette étape d’autorisation est la première d’une série. Une audience est prévue pour l’approbation de l’Entente de règlement en avril 2026.
Le cabinet Services juridiques SP reproche à Salvatoré d’afficher un prix «incomplet» sur ses plateformes de commande en ligne.
Les frais de livraison obligatoires n’apparaissent qu’à la toute fin du processus d’achat.
Désirant manger de la pizza entre amis, Paul Manguian a effectué une commande pour livraison sur l’application mobile de Pizza Salvatoré. Avec deux pizzas de taille moyenne, un Pepsi en format 2L et un Pepsi diète dans son panier, le récapitulatif affiche d’abord le prix 35,96 $ avec la mention «Sous-total».
Au moment de réviser sa commande, il s’est aperçu pour la première fois que des frais de livraison de 3,99 $ venaient de s’ajouter, portant la facture à 39,95 $.
Le prix de 35,96 $ «n’était pas atteignable en raison de frais obligatoires fixes», écrit Me Sébastien A. Paquette, dans sa requête.
Au cœur du litige, l’article 224 c) de la Loi sur la protection du consommateur (Lpc) qui stipule qu’un commerçant ne peut «exiger pour un bien ou un service un prix supérieur à celui qui est annoncé».
«Le prix annoncé doit comprendre le total des sommes que le consommateur devra débourser pour l’obtention du bien ou du service. Toutefois, ce prix peut ne pas comprendre la taxe de vente du Québec, ni la taxe sur les produits et services du Canada», est-il également mentionné dans la Lpc.
«Salvatoré passe effectivement sous silence de tels frais, qui sont un fait important en lien avec le prix qu’elle va charger», soutient Me Paquette dans sa demande. Ce dernier signifie vouloir attendre l’audience pour l’approbation de l’entente avant d’en dire davantage.
L’action collective concerne toutes les personnes au Canada qui ont effectué une commande de repas livré via les applications mobiles Pizza Salvatoré ou via le site Internet entre le 8 novembre 2021 et le 17 juin 2025 et qui ont payé un prix supérieur (en raison des frais ajoutés obligatoires) au prix initialement annoncé.
À ce stade, les membres du groupe ciblé n’ont aucun geste à poser. Il n’est pas requis de s’inscrire pour en faire partie.
Des changements visibles
Jointe par téléphone, Élisabeth Abbatiello, vice-présidente aux communications du Groupe Abbatiello, signale que cette pratique était dans les «mœurs» de l’industrie de la restauration.
«Toute l’industrie de la restauration, les systèmes de livraison fonctionnaient comme cela. On parle vraiment des géants mondiaux, comme Uber Eats et DoorDash, qui ont plein de restaurateurs locaux plus québécois. […] Je pense que les restaurateurs, on ne s’est pas trop posé de questions», affirme-t-elle, soulignant que d’autres enseignes ont été visées pour de telles pratiques.
«Quand les géants ont changé, bien nous, on a emboîté le pas quand même assez rapidement.»
— Élisabeth Abbatiello, porte-parole du Groupe Abbatiello
Le Soleil a d’ailleurs visité le site web de Pizza Salvatoré afin de simuler une commande. Des modifications ont été apportées afin d’annoncer d’emblée que des frais de livraison seront appliqués.
«Il n’y a eu aucune incidence sur le nombre de livraisons», fait savoir Mme Abbatiello.
Sous le bouton rouge «Livraison», la mention «Frais de livraison applicables» est désormais présente, en comparaison aux captures d’écran figurant dans le dossier déposé à la Cour.
Une nouvelle note «Frais de livraison: $ 3.99» apparaît également aux côtés du délai estimé avant de recevoir sa commande.
«Tout le monde, dans les cinq dernières années, sait que, lorsqu’il se fait livrer, il y a des frais de livraison qui peuvent s’appliquer. Mais c’est vraiment de le marquer et non, de prendre pour acquis que le monde le sait», met de l’avant la restauratrice.
Plutôt que d’intégrer les frais de livraison à même le prix des items comme le fait la Rôtisserie St-Hubert, Salvatoré a opté pour un prix de livraison unique.
«Qu’il livre deux ou 10 pizzas à la même adresse, ça prend le même temps. C’est les mêmes ressources. On trouvait que c’était pénaliser le client que de monter chaque prix unitaire plutôt que de mettre un prix fixe pour la livraison», explique-t-elle.
49 bannières sous la loupe
Salvatoré n’est pas le seul restaurateur visé par un tel recours.
Une demande d’autorisation d’exercer une action collective ciblant Pizza Pizza, Domino’s Pizza et Pizza Hut a été déposée le 17 juin 2025, également par le cabinet Services juridiques SP.
Le 7 novembre, une autre demande ciblant 49 restaurateurs a été confiée à la Cour supérieure.
Ashton, PFK, Beiko, Pacini, Pizzeria No 900, La Cage et Cora figurent sur la longue liste des enseignes montrées du doigt dans cette requête.
L’avocat qui pilote ces dossiers, Me Paquette, accuse les bannières de faire entorse à la Loi sur la protection du consommateur (Lpc), là aussi en ajoutant les frais de livraison obligatoires qu’au moment de conclure la transaction.
«La présente action collective vise à mettre fin à cette pratique d’indication de prix partiel et de décomposition de prix pratiquée au Québec par plusieurs grandes chaînes de restauration», fait-il savoir dans sa dernière demande.
La Cour n’a toujours pas tranché à savoir si les actions collectives seront autorisées.




